BLOG DE THOTALEMENT MOTS
Cela suffit, ne le regardez pas comme ça !
Oui ! c’est vrai. Il est différent. Et alors ? Qu’est-ce que cela peut vous faire ?
Oh, je vois bien dans vos regards, les sentiments que vous avez. Vos yeux se baissent, n’osent le regarder en face, certaines d’entre vous murmurent à l’oreille de l’autre : « la pauvre, le pauvre, il est différent, comme cela doit être dur ». Je les ressens, vos yeux, même quand je ne vous regarde pas, votre sollicitude mal ou bienveillante. Vous ne voudriez surtout pas être à ma place.
Il est différent. Et alors ? Est-ce une raison pour, lorsque l’on arrive au parc, vous rappeliez vos enfants vers vous ? Vous le regardiez comme une bête ? Vous dites à vos enfants tout bas de se méfier, de ne pas trop s’approcher ?
Il ne va les manger ni les taper. Il n’est pas méchant. Il est juste dans son monde à lui.
Pourquoi n’expliquez-vous pas plutôt à vos enfants qu’il ne faut pas le pousser, ne pas lui jeter du sable, ne pas lui faire des misères, que ce n’est pas un souffre-douleur ?
Pourquoi laissez-vous vos enfants l’embêter dans des jeux plus ou moins amusants ?
Alors, je me lève, et vos enfants s’enfuient comme s’envolent les oiseaux lorsque j’ouvre la fenêtre du jardin. Ils vont se cacher dans les branches des arbres les oiseaux. Vos mômes, eux, vont dans vos jupes. Je récupère mon petit, seul au milieu du bac à sable, changé en sculpture tellement il en a sur lui. Je lui enlève toute cette poussière qui le recouvre, qu’il a sur lui et dans les cheveux. Je le prends par la main et on rentre à la maison. Vos enfants nous regardent passer, l’air mauvais ou en baissant les yeux, tout dépend. Moi, je reste fière, la tête haute. Je vous lance un regard assassin, à vous les parents, mais je ne dis rien. À quoi bon, vous ne comprendriez pas, puisque dans le cas contraire, vous auriez arrêté les bêtises de vos progénitures.
Il est différent, mais maintenant, je le comprends. On arrive à communiquer bien qu’il ne parle pas. Un jour, il a découvert un petit piano à piles. Il a joué. C’était inné. C’était un air gai. Il était heureux. Il souriait.
Le lendemain, il a joué après une énième crise d’incompréhension entre nos deux mondes. L’air était rythmé, appuyé, colérique, comme lui quelques minutes avant. Puis il s’est arrêté, et a joué un air mélancolique, presque triste.
Alors, j'ai compris. Ce petit instrument lui permet de me dire son humeur, ce qu’il ressent. Ce petit instrument allait nous rapprocher. Ni une, ni deux, j’ai cherché sur internet, cours de piano en accéléré. Il fallait que je puisse lui répondre le mieux possible.
Alors, j'ai appris.
Il est différent, c’est vrai. Il est autiste. Il ne parle pas. Il communique avec son petit piano. On l’emporte partout avec nous. Et on parle comme ça. Il joue, je joue, il répond…
Il est différent et moi aussi. Et vos regards sur nous aujourd’hui, je m’en fou.