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Nouvelle : Souvenirs de Docker

Souvenirs de Docker

« Papy, Papy, raconte-nous quand tu travaillais sur le port, s’il te plaît. » demandèrent les trois gamins en cœur en s’asseyant sur des coussins au pied du fauteuil relax.

Papy sourit, regarda les gamins, ferma les yeux, et commença.


« Ah… Le port. J’en ai vu des bateaux. Pas de ces beaux bateaux de croisières, non ! Des bateaux, des vrais, ceux qui remplis jusqu’à la gueule, transportent tout type de marchandises. On voyait passer les pétroliers, les cargos, les vraquiers, les porte-containers. Ceux-là étaient immenses, 350 mètres de long, 10 000 containers à bord. 

Ils remontaient le chenal. Le haleur allait à leur rencontre pour les remorquer jusqu’au quai de déchargement. Nous, les dockers, on amarrait le bateau solidement. Et puis on pouvait commencer la danse du déchargement.


Depuis les années 70, notre travail sur les docks avait bien changé. Il avait évolué avec l’arrivée des systèmes de manutentions. Ça aide bien, moins fatiguant pour le corps. Mais du coup, certains d’entre nous n’avaient plus de place, la machine avait remplacé l’homme. 


Moi, j’ai toujours aimé être en hauteur. Alors, avec l’arrivée des grues sur les quais, j’ai demandé à travailler là-haut, dans la cabine, à 27 mètres du sol, 10 heures par jour. Une vue sur tout le port. Des camions qui arrivaient pour prendre leur colis, aux trains de marchandises qui partaient les wagons remplis, les bateaux qui attendaient un peu au large pour décharger, et les dockers en bas, leur va-et-vient, leur agilité, le ballet qu’eux et moi nous effectuions chaque jour. Jamais le même, mais jamais vraiment différent non plus.


Les dockers, chaque jour, ils changeaient de métier en fonction de la marchandise et moi, je changeais de grue. Ils pouvaient être caliers, décrocheurs, pointeurs, manutentionnaires. Mais, qu’importe le poste qu’on occupait, on était une équipe, on était des dockers. 


Les caliers travaillaient dans les cales des bateaux. Ils accrochaient les chaînes de la grue aux marchandises afin que je puisse les soulever pour les débarquer sur le quai. Quand j’arrivais avec ma flèche au-dessus de la cale, que je faisais descendre la chaîne pour les bigbag (gros sacs de marchandises), les caliers se planquaient. Ils allaient se mettre à l’abri, ne pas rester dessous. Règles de sécurité obligent. Puis, ils remontaient vers la chaîne, attachaient le bigbag. Et avant que je ne commence la remontée, ils retournaient se planquer au plus profond de la cale. 


Pour manœuvrer ma grue, je prenais mes instructions du pareur. Dans certains ports, ils disent signaleur. Chez nous, c’était le pareur. Il était toujours placé entre moi et les dockers. Ils devaient pouvoir voir tout le monde, les caliers, les décrocheurs, les manutentionnaires avec leur reach stocker (des charriots élévateurs qui pouvaient porter jusqu’à 70 tonnes). Avec des gestes précis et à l’aide du talkie, le pareur me guidait pour le maniement de ma grue. Il était mes yeux. Il me disait un peu à droite, un peu à gauche, plus bas, plus haut, plus doucement… 

Alors, quand il me donnait le feu vert, je remontais le ballot, et je le descendais sur le quai. Je le déchargeais sur un reach stocker. Les décrocheurs décrochaient le bigbag, le pointeur notait sur sa liste, comptait les bigbag quand il y en avait plusieurs et disait au manutentionnaire dans son charriot dans quelle partie du port il fallait les stocker. Alors le “manu” partait avec sa charge. 

Et le ballet recommençait. Comme ça jusqu’à que le bateau soit déchargé.


Moi, je changeais de grue en fonction de la marchandise. Il y avait la grue avec un grappin pour la ferraille, celle avec une benne pour le sel, les céréales, les marchandises en vrac, celle avec la chaîne pour les bigbag, celle qu’on appelait palonnier ou spreader pour décharger les containers. 


Mais ma préférée, c’était celle avec le filin, pour les grumes. J’aimais quand on déchargeait les grumes. L’odeur du bois se mêlait à l’odeur de l’iode. La terre et la mer mélangée au même endroit. Décharger les grumes demandait encore plus de douceur et de précision dans la manœuvre. Le bois pouvait glisser même si les caliers attachaient bien le filin. Les grumes atteignaient facilement la tonne. Dès que je la soulevais, la grume se levait et se retrouvait presque à la verticale. Jamais horizontale. Il fallait la manier précautionneusement. Faire des mouvements lents, monter, ramener, tourner, avancer, descendre. Je pouvais sentir la grume bouger en même temps que ma grue, elle se balançait au bout du filin, lourde. Un mouvement trop brusque et elle pouvait tomber, glisser, heurter le pied de ma grue. Et c’était l’accident. Je savais que tout le monde retenait son souffle tant que je ne l’avais pas posée sur le camion. Il fallait l’installer correctement pour qu’elle soit bien calée dans le grumier, afin que lui-même ne soit pas déstabilisé lorsqu’il prendra la route. Un travail tout en douceur, tout en tendresse. 


Ah oui ! De là-haut, de la cabine de ma grue, je pouvais voir le monde. Je voyageais grâce à toutes ses marchandises qui venaient de partout à travers le monde. Le chenal qui remontait vers l’océan, avec ses cargos vides ou pleins tractés par le haleur jusqu’aux eaux plus profondes. Je les regardais partir jusqu’à la ligne d’horizon. »


Papy ouvrit les yeux, regarda les trois gamins. D’un geste de la main, il les fit partir. Les trois gamins se levèrent « Merci Papy… » dirent-ils en cœur en partant jouer dans le jardin.

Papy pensa, en refermant les yeux, merci à vous gamins. Et il s’endormit, ses rêves et ses pensées tournaient vers l’océan, vers les quais, en haut de sa grue…



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